Atys

Invitée par le chorégraphe Angelin Preljocaj à inventer la scénographie de la création de Jean-Baptiste Lully, inspirée par les Métamorphoses d’Ovide, Prune Nourry a travaillé autour des notions d’hybridation, de fractal et de rhizome, autour du lien entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, ainsi que du rituel, et cela de concert avec l’artiste Jeanne Vicérial qui signe les costumes.

Elle expose dans les foyers du Grand Théâtre de Genève trois œuvres inédites à l’occasion de la présentation de l’opéra ballet baroque Atys du 27 février au 10 mars 2022, ainsi qu’une série de nouvelles sculptures dans le cadre d’artgenève, pour un solo show sur le stand du GTG, du 3 au 6 mars 2022.

Pour l’avant-foyer du théâtre, Prune Nourry propose deux Masques de fertilité. Dans la lignée de ses précédentes sculptures réalisées en bronze, terre cuite et bois brûlé, et inspirées par les masques africains portés sur le ventre lors des cérémonies pour appeler la fécondité, l’artiste transcrit ici ces masques à grande échelle (trois mètres de haut).
Réalisées en stuc avec une peinture en trompe-l’œil imitant le bois, ces nouvelles œuvres jouent avec le lieu du Grand Théâtre de Genève, dont les murs sont recouverts de trompe-l’œil de matières, et avec la symbolique même du théâtre. Le stuc est en effet un matériau utilisé depuis des siècles pour les décors et les sculptures décoratives, simulant notamment le marbre ; ici il imite le bois, plus exactement les essences de hêtre et chêne. Le masque est quant à lui l’artifice théâtral existant depuis les origines du théâtre, permettant à la fois d’identifier le personnage et de dissimuler l’acteur interprétant son rôle, mais il est aussi un objet de rituel, donnant la possibilité à un être humain de servir de vaisseau pour parler au nom d’un dieu.

Dans le foyer lyrique, Nourry présente Sangaride, une cible en bois sur trépied, traversée de trois flèches. L’arc, la cible et les flèches font partie de son travail depuis 2019 avec le projet Catharsis. Influencée par la figure mythologique des amazones, ces femmes chasseresses dont la légende dit qu’elles se coupaient le sein droit pour être de meilleures archères, l’artiste a intégré ces éléments à son vocabulaire formel et esthétique à la suite d’un cancer du sein. L’amazone incarne la liberté, la puissance, la féminité ; sa cicatrice définit sa personnalité et la rend plus forte.
En lien direct avec l’opéra ballet, Nourry reprend le nom de l’un des personnages. Figure mythologique, Sangaride est une nymphe, fille de Sangar, le fleuve de Phrygie, et aimée d’Atys. L’œuvre cible illustre bien leur aventure : une histoire d’amour tragique et une fin en champ de ruines.

Ainsi, les trois nouvelles sculptures, Masques de fertilité et Sangaride, ont été pensées in situ pour le Grand Théâtre de Genève dans le cadre d’Atys.

En parallèle, au salon artgenève, une série d’œuvres crées par Prune Nourry et inspirées de son décor pour l’opéra ballet seront exposées pour la toute première fois. Intitulées Atys, ces trois sculptures monumentales reprennent le moment clé du spectacle où le personnage se transforme en arbre, un concept d’hybridation cher à l’artiste. À la fois réseau de veines du corps humain et branches d’arbres, formes fractales que l’on retrouve à différentes échelles dans la nature, ces œuvres en bronze peintes en trompe-l’œil sont réalisées à partir d’un matériau que l’on retrouve partout au théâtre, mais dont il est interdit d’utiliser le mot à voix haute dans son enceinte : la corde. Utilisées pour manipuler les décors par d’anciens marins devenus machinistes, la superstition est passée depuis des siècles des bateaux aux théâtres.
Elle s’est aussi inspiré de la célèbre « théorie des cordes », qui fait le trait d’union entre relativité générale (la gravité, l’infiniment grand) et mécanique quantique (l’infiniment petit), à travers la découverte dans les années 1960 de particules vibratoires en forme de cordes. La métaphore souvent utilisée pour les décrire est d’ailleurs celle de choristes !